« […] Mais Simon savait déjà. Il savait qu’il ne pouvait faire confiance qu’aux arbres, qu’aux fleurs, qu’aux oiseaux. Il avait appris à vite se cacher, dans des placards, des trous improvisés. Quand sa mère faisait mine de ne pas le connaître, pour le protéger, il jouait le jeu. Tout l’amusait, Simon. Cela amusait ses six ans. » Les tiroirs de Rebecca Wengrow débordent d’écrits subtils comme l’air de la vie. Ces trois nouvelles nous racontent, avec tendresse, la fragilité humaine.
« Michel n’avait jamais eu vraiment de chance dans la vie. Ça avait démarré dès qu’il était né.
Sa mère gueulait toutes les ignobleries juronnières que son imagination féconde, stimulée par la saine douleur que Dieu dans son infinie sagesse avait conféré à l’instant de l’accouchement, lui dictait.
(…)
Michel sait maintenant qu’ils sont à côté de Verdun.
Malgré les morts, la boue jusque dans les gamelles, la pluie sans cesse, le froid, la mauvaise nourriture, tout va bien pour lui.
Il est avec son capitaine et à chaque sortie qu’il faut faire, il est devant, grenade offensive prête, baïonnette au fusil, et plus rien ne peut l’arrêter. Il hurle, le visage tendu vers l’ennemi, il tire, il éventre, il assomme et toujours, il avance. Personne n’ose ne pas le suivre, son capitaine à ses côtés, tout le monde y va, haletant, flairant la piste, pas de quartier, pas de prisonniers.
(…)
Michel s’admira une dernière fois devant le miroir de sa chambre. Il eut une pensée pour maman Germaine.
Ton Tiboui n’est pas devenu précisément un bourgeois, c’est vrai. Mais, nom de Dieu, je les fais sacrément danser, les salauds !, sourit-il intérieurement.
Monsieur Michel ajusta son nœud papillon et puis descendit, lentement, le grand escalier. »