John Toland (1670-1722), philosophe irlandais, libre penseur, républicain, espion britannique sur le Continent, précurseur de la franc-maçonnerie, fondateur du Druid Order, inventeur du panthéisme, eut une influence majeure sur toutes les Lumières européennes, notamment sur La Mettrie, Voltaire, le baron d’Holbach, Buffon et Diderot, lequel puisa dans l’œuvre radicale et souvent clandestine du Britannique l’essentiel de son « matérialisme enchanté ».
Certes, le grand Paul Hazard (La Crise de la conscience européenne, 1961), le reconnaissait comme champion de la diffusion massive du déisme en Angleterre et le joignait à Locke comme l’une des deux sources principales des Lumières. Mais l’Histoire est parfois oublieuse des génies de cette trempe ! « Toland ? Bien oublié, Toland ! Cependant, ce fut un philosophe dangereux pour son époque… », s’exclamait, en 1926, Albert Lantoine, en ouverture de sa formidable étude du philosophe panthéiste, la seule publiée en français jusqu’à ce jour.
Le Pantheisticon, sans doute tiré à seulement cinquante exemplaires, à Londres, en 1720, fut distribué, de la main à la main, par son auteur à ses amis (Free-Thinkers, francs-maçons, déistes, matérialistes ou libertins anglais) et naturalistes de toute l’Europe des Lumières. Ouvrage le plus « engagé » de Toland, mettant en scène un banquet philosophique à la façon des « Anciens » et des agapes maçonniques, le Pantheisticon développe les idées scientifiques, morales, politiques et métaphysiques les plus avancées de son époque. Dépassant tout à la fois Newton, Locke et Spinoza, qu’il connaît mieux que tout autre, Toland offre ainsi à ses contemporains (dont les plus illustres philosophes des Lumières), la profession de foi radieuse et vitaliste d’une laïcité républicaine et de l’écologie avant la lettre.
Antoine Peillon, historien et philosophe de formation, journaliste, est passionné par l’étude des « Lumières radicales » qui fondèrent, dès la fin du XVIIe siècle, la modernité européenne, voire l’essentiel de la pensée républicaine et laïque des XIXe et XXe siècles français. Il travaille actuellement sur les sources ésotériques des idéologies progressistes contemporaines (positivisme, solidarisme et socialisme).
« […] Mais Simon savait déjà. Il savait qu’il ne pouvait faire confiance qu’aux arbres, qu’aux fleurs, qu’aux oiseaux. Il avait appris à vite se cacher, dans des placards, des trous improvisés. Quand sa mère faisait mine de ne pas le connaître, pour le protéger, il jouait le jeu. Tout l’amusait, Simon. Cela amusait ses six ans. » Les tiroirs de Rebecca Wengrow débordent d’écrits subtils comme l’air de la vie. Ces trois nouvelles nous racontent, avec tendresse, la fragilité humaine.
« Michel n’avait jamais eu vraiment de chance dans la vie. Ça avait démarré dès qu’il était né.
Sa mère gueulait toutes les ignobleries juronnières que son imagination féconde, stimulée par la saine douleur que Dieu dans son infinie sagesse avait conféré à l’instant de l’accouchement, lui dictait.
(…)
Michel sait maintenant qu’ils sont à côté de Verdun.
Malgré les morts, la boue jusque dans les gamelles, la pluie sans cesse, le froid, la mauvaise nourriture, tout va bien pour lui.
Il est avec son capitaine et à chaque sortie qu’il faut faire, il est devant, grenade offensive prête, baïonnette au fusil, et plus rien ne peut l’arrêter. Il hurle, le visage tendu vers l’ennemi, il tire, il éventre, il assomme et toujours, il avance. Personne n’ose ne pas le suivre, son capitaine à ses côtés, tout le monde y va, haletant, flairant la piste, pas de quartier, pas de prisonniers.
(…)
Michel s’admira une dernière fois devant le miroir de sa chambre. Il eut une pensée pour maman Germaine.
Ton Tiboui n’est pas devenu précisément un bourgeois, c’est vrai. Mais, nom de Dieu, je les fais sacrément danser, les salauds !, sourit-il intérieurement.
Monsieur Michel ajusta son nœud papillon et puis descendit, lentement, le grand escalier. »